Regarder ailleurs - Éd. 51
Feu vert pour la directive Women on Boards ~ Début des négociations pour un traité onusien contre la pollution plastique ~ L’EFRAG soumet à la Commission ses 12 normes reporting
Le coupable, c’est l’autre ?
Cette semaine, trois événements nous interpellent au sujet du changement climatique.
La COP27 s’est achevée avec un accord sur le mécanisme de Pertes et Dommages qui établit un fonds pour les États les plus vulnérables au changement climatique. Un comité devra en déterminer les contours d'ici la COP28 qui aura lieu à Dubaï en 2023. En revanche, la sortie des énergies fossiles, n’a pas été mentionnée dans l’accord. Si l’on peut se réjouir de l’existence d’une solidarité financière, le problème est que cet argent remplira un puits sans fond, si l’on refuse de s’attaquer aux causes.
Alors que la Coupe du monde de football au Qatar débute, les violations des droits humains et de l'environnement qui l'accompagnent ont été soulignées par de nombreuses organisations. L'événement illustre bien les limites du système de compensation carbone, censé permettre la réalisation d’un projet au bilan carbone neutre. En réalité, le tournoi aura vraisemblablement un bilan carbone inédit des 6 millions de tonnes d’équivalent CO2, bien loin des 3,6 millions estimés par le rapport prévisionnel de la FIFA.
Demain c’est le Black Friday. En cette occasion, une étude passe au crible le système de consommation des Européens et estime qu’il est associé à 1,2 million de cas d’esclavage moderne et de 4200 accidents du travail mortels dans le monde. Selon ce rapport, près de 40% de l’empreinte totale des émissions de gaz à effet de serre de l’UE provient de ses importations.
DROITS HUMAINS
Women on boards. Elle avait été proposée il y a plus de 10 ans. Le 22 novembre, le Parlement européen a voté en faveur de la directive sur l’équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs d’entreprises cotées de plus de 250 salariés.
D’ici le 30 juin 2026, 40% des postes d’administrateurs non exécutifs des entreprises cotées de l’UE devront être occupés par des femmes.
Les femmes devront également occuper au moins 33 % de tous les postes d'administrateurs des grandes entreprises de l'UE.
Les entreprises devront fournir une fois par an aux autorités compétentes des informations sur la représentation des hommes et des femmes dans leurs conseils.
Un système de sanctions doit être mis en place par les États membres d’ici 2026. Exemple : des amendes ou l’annulation de la nomination d’un administrateur.
Transition juste + droits humains. La World Benchmarking Alliance a publié la 5e itération de son Corporate Human Rights Benchmark (CHRB). Les résultats en matière de respect des droits humains de 127 grandes entreprises dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture, des TIC et de la construction automobile sont évalués.
La pratique des entreprises en matière de protection des droits humains s'est améliorée. La WBA met l’accent sur l’engagement et la responsabilité des conseils d'administration comme clé dans ces progrès.
Face à la crise climatique, les entreprises ayant une approche efficace des droits humains sont mieux préparées pour une transition juste. Il existe une corrélation entre le score d'une entreprise en matière de droits humains et ses performances dans l’évaluation WBA “2021 Just Transition Assessment”. Ainsi, dans le secteur automobile, 8 des 10 entreprises les mieux notées figurent aussi parmi les entreprises les mieux notées pour la transition juste.
Mais des lacunes subsistent : 36% des entreprises obtiennent encore un score nul en diligence raisonnable en matière de droits humains.
L’alliance rappelle l’importance de la mise en place d’une législation contraignante.
Ça avance lentement. BankTrack a dévoilé son 2022 Global Human Rights Benchmark, qui classe 50 banques selon leur mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Le rapport est pessimiste. S’il y a quelques progrès – le score moyen passant de 4 à 5 sur 14 depuis le dernier benchmark de 2019 –, ces bons résultats concernent surtout des "retardataires" et il y a peu de mouvements au sommet. Un rapport éclairant alors que plusieurs États de l’UE plaident pour que la finance soit exclue de la future CSDDD.
Tractations politiques. Des voix s’élèvent contre plusieurs pays – dont la France – pour qu’ils ne sapent pas certains points essentiels de la future directive européenne pour un devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Une minorité de blocage chercherait notamment à exclure toute une partie des chaînes de valeur, l’aval, du champ de la Directive. Une position qui laisse perplexe compte tenu de la position pionnière de la France en matière de devoir de vigilance depuis 2017. Un texte de compromis doit être soumis au Conseil le 1er décembre.
Une première au Canada. 21 ressortissants tanzaniens ont intenté aujourd'hui une action en justice contre le géant minier canadien Barrick Gold pour de graves violations des droits humains commises dans la mine d'or de North Mara, en Tanzanie. C'est la première fois qu’une entreprise fait l'objet d'une action en justice au Canada pour des violations des droits humains dans l'une de ses exploitations à l'étranger.
Conflit au sujet des minerais. Le règlement de l’UE sur les minerais de conflit impose un devoir de diligence aux importateurs de tungstène, de tantale, d’étain et d’or pour s’assurer qu’ils ne participent pas au financement de conflits armés. Une liste des entreprises soumises à ce règlement est établie dans chaque pays européen. L’association Sherpa a demandé au gouvernement français un accès à cette liste, en vain. Par une décision du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a jugé que le gouvernement devait communiquer cette liste à Sherpa, ne retenant ni le secret des affaires ni celui des douanes.
Nigéria. C’est le 29e pays à ratifier la convention n°187 sur la promotion de la sécurité et de l'hygiène dans le travail et le 22e (le 6e pays africain) à ratifier la convention n°190 de l'OIT sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
ENVIRONNEMENT & CHANGEMENT CLIMATIQUE
Victoire pour l’Amazonie. La Cour suprême du Brésil a statué en faveur de la réactivation du Fonds pour l'Amazonie, un outil majeur dans la lutte contre la déforestation. Ce fonds était paralysé depuis 2019, lorsque l’ancien président Jair Bolsonaro avait “liquidé” deux des comités sous prétexte “d’irrégularités”, sans plus de précision. D’ici moins de deux mois, des fonds de plus de 3 milliards de réals (environ 540 millions d’euros) seront accessibles.
Alliance pour les forêts tropicales. Trois pays clés dans la protection des forêts tropicales de la planète (Brésil, Indonésie et RDC) ont formé une alliance stratégique pour les protéger et faire face à la crise climatique. Leurs trois territoires totalisent 52% de l’ensemble des forêts tropicales.
Net Zero. Ce rapport fournit une feuille de route aux entreprises, institutions financières, régions ou villes pour mettre en place un programme Net Zero crédible. Quelques points essentiels sont rappelés :
Les acteurs ne peuvent pas se prétendre “Net Zero” tout en continuant à construire ou à investir dans les combustibles fossiles ou tout autre type d’activités destructrices de l’environnement.
Ils ne peuvent pas non plus participer à des activités de lobbying contre le changement climatique. (Une belle démonstration a pourtant eu lieu lors de la COP27 où plus de 600 lobbyistes pro-fossiles étaient présents.)
L’espoir d’un traité. Le PNUD consacre un article sur les liens entre l’industrie plastique et le changement climatique. On y apprend que l'industrie plastique est la source de gaz à effet de serre industriels qui connaît la croissance la plus rapide au monde et pourrait représenter 19 % du budget mondial total consacré au carbone d'ici 2040. 175 nations ont accepté d’entamer des négociations sur un traité onusien contraignant portant sur l’ensemble du cycle de vie du plastique. Les négociations débutent ce mois-ci et devraient s’achever en 2024.
Saga TCE. Le Parlement européen a adopté une résolution qui réclame à la Commission d'engager immédiatement le processus de sortie de l'UE du TCE.
FINANCE & ESG
Normes de reporting de durabilité. Le 15 novembre, l’Efrag a adopté 12 normes de reporting de durabilité. Une version simplifiée a été présentée par la Commission européenne le 23 novembre.
Les entreprises devront renseigner des informations obligatoires suite à leur analyse de double matérialité. En revanche, le principe de “présomption réfutable” est supprimé. Pour faire simple : si une entreprise omet une information, elle n’aura plus à s’en justifier puisqu’il sera conclu que l’information n’était pas matérielle. À une exception près : si l’omission concerne une norme dans son entièreté (par exemple “pollution”, auquel cas il faudra bien une justification).
Alors que les critiques pointaient l’absence d’harmonisation entre les systèmes de reporting européen et américain, l’EFRAG a modifié la structure des normes (Gouvernance / Stratégie / Gestion des risques / Métriques et objectifs) afin de les aligner avec les cadres de l’ISSB et de la TCFD.
Calendrier : les actes délégués sont prévus pour juin 2023.
Investisseurs & CSDDD. Dans un communiqué commun, PRI, Eurosif, Investor Alliance for Human Rights et 142 signataires accueillent favorablement la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Ils partagent 5 points d’amélioration afin d’assurer la cohérence avec les cadres européens de la finance durable et de renforcer les engagements et obligations des dirigeants.
Federal Supplier Climate Risks. Le président Joe Biden a annoncé lors de la COP 27 vouloir mettre en place une “Federal Supplier Climate Risks and Resilience Rule”. Elle imposera aux principaux fournisseurs de l’État fédéral américain de divulguer leurs données climatiques et les risques financiers associés. Les fournisseurs concernés devront également fixer des objectifs de réduction des émissions.
TO DO LIST
1. Participer à l’accélérateur Business & Human Rights mis en place par le United Nations Global Compact pour les entreprises participant au Pacte mondial des Nations unies. L’objectif? Avoir les clés pour passer de la théorie à l’action en matière de droits humains et de droits des travailleurs. L'accélérateur est disponible dans plus de 30 pays, dont la France. Date limite : 16 décembre 2022 ! Le programme débutera en février 2023.
2. S’abonner au podcast “The Future of Work” de l’Organisation internationale du travail. L’épisode 27 s’inscrit dans l’actualité avec comme sujet “What’s the story on labour rights in Qatar”?
3. S’inscrire au MOOC sur le Business and Human Rights du Global Campus of Human Rights.
4. Écouter le nouveau podcast Responsabilités! de Charlotte Michon sur les nouvelles responsabilités des entreprises en matière de droits humains.
5. Utiliser cette bibliothèque d’images gratuite qui propose un “nouveau langage visuel pour le changement climatique”.1